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Douze échelles pour un échafaudage (3'55)

Propos : construction sonore basée sur l'analogie entre l'échelle de hauteurs en musique et l'élévation spatiale, entre la structure spatiale d'un échafaudage faite d'un quadrillage de barres verticales et horizontales et la construction d'une pièce dans le temps, et également, même si cet aspect n'a pas été développé tel qu'il devait l'être initialement, la notion d'échelle de taille par rapport à celle due à la distance.

Histoire : pas de précédent direct, mais le propos s'inscrit dans celui des "Constructions", notamment de la première pièce de la série (Cinq tentatives d'assemblage), ainsi que dans la deuxième partie de L'œil tactile en 1996.

Origine sonore : corps sonores frottés ou grattés avec divers ustensiles à proximité d'une ligne de 8 microphones : plaque de polystyrène, règle métallique, cylindre de carton, planches. Ils possèdent tous une longueur au moins égale à cette ligne et les gestes, plus ou moins rapides, affirmés ou hésitants, sont tous effectués en une seule fois de manière à conserver l'impression de traits uniques lors de leur audition.

Déroulement :
- sélection des corps sonores et enregistrement des séquences
- nettoyage des enregistrements / sélection des objets sonores
- disposition spatiale simple sur quelques lignes pour l'écoute des objets
- premiers montages : recherche de la méthode pour générer les résonances et les échelles harmoniques qui vont à la fois colorer les objets et permettre une temporalité plus "contemplative"
- séquences de traitement avec le MiniRez 64
- mise en place de la technique "OBA" interne
- impression que cela manque de respiration : le son du passage de voitures par la porte ouverte de l'entrée (pour faire entrer la chaleur...) donne l'idée de placer autour une "ambiance de ville"
- recherche d'enregistrements qui soient à la fois un peu lointains et assez neutres, répartition spatiale
- avancement dans le montage qui cherche (difficilement) à trouver l'équilibre entre les tracés de lignes et les attentes
- finalisation du montage

Compatibilités : la raison d'être de cette pièce étant les possibilités de tracés et d'imbrications de lignes dans l'espace holophonique tridimensionnel, son adaptation pour des espaces périphonique est totalement impossible. La réduction de la résolution est néanmoins possible, mais cette pièce reste malgré tout très dépendante de la densité et de la qualité de sa construction spatiale, sous peine d'aboutir à quelque-chose de grossier où ne subsistent plus que des enchaînements de gestes harmoniques lourds et redondants.

 

Opérations

La ligne de microphone est une disposition que j'utilise souvent, soit parce qu'elle correspond directement à la forme spatiale souhaitée (comme ici), soit parce qu'elle permet d'obtenir ensuite toutes sortes d'autres formes très facilement et efficacement.
Une planche et une plaque de polystyrène ont été placés le long de la ligne, le jeu a consisté à effectuer des gestes linéaires d'un bout à l'autre par frottement de divers objets et matériaux, en faisant varier les vitesse, la pression etc. de manière à obtenir une collection de lignes aux matières contrastées.

Les Behringer C-2 sont les premiers microphones que j'ai achetés spécialement pour la multiphonie, qui en 2005 et encore aujourd'hui sont parmi les plus économiques (50 € la paire !). Leur sonorité est tout à fait correcte mais leur sensibilité est faible, ce qui convient malgré tout à des captation de proximité, et avec un tout petit peu d'égalisation ils sont parfaits lorsqu'on a besoin d'un nombre important (j'en ai 24 en tout).

 

Les objets bruts issus des captations ont été traités avec le plugin MiniRez pour obtenir une coloration et des résonances selon des échelles de fréquences produisant des harmonies arpégées sur huit points, arpèges dépendant des gestes effectués devant les microphones. Le traitement est basé sur l'algorithme Karplus-Strong (sur 64 canaux) qui est souvent utilisé pour la modélisation de cordes vibrantes. Les réglages permettent de jouer finement sur la répartition et l'atténuation des résonances et le dosage du signal direct, ici en valeurs fixes pour chaque série de prises.
Une quinzaine de répartition fréquentielles ont été utilisées, selon des courbes plus ou moins linéaires ou logarithmiques/exponentielles. Ces réglages n'ont pas obéis à de quelconques règles mathématiques ou musicales mais ont été ajustés au fur et à mesure à l'oreille, en fonction de mes préférences du moment et de leur adéquation avec la matière, le profil spatial et dynamique des objets. Tous n'ont pas été traités avec toutes les échelles mais selon l'affinité que je leur trouvais à ce moment là.

Note à propos du format octophonique des sons
Il peut sembler curieux et inutile de créer des objets dont la spatialité est défini par 8 points alors qu'ils sont destinés à être placés sur des lignes qui n'en comportent que 3, 4 ou 5 au maximum. Utiliser cinq micros et produire des fichiers 5 canaux aurait donc été suffisant... Il y a plusieurs raisons à cela.
La première est que cette approche part du principe du "qui peut le plus peut le moins", ou ici qu'il est plus simple de réduire que d'augmenter une résolution spatiale. Un sous-échantillonnage peut être appliqué lorsque le nombre de points de l'espace est inférieur à celui des objets, et comme pour l'échantillonnage temporel en audio-numérique, cette conversion est plus fiable et plus facile à opérer si l'on part d'une valeur élevée pour la réduire que le contraire.
Avec la valeur choisie de 8 il serait aussi possible de faire un rendu de la même œuvre pour un espace qui comporterait jusqu'à 512 points haut-parlants (8 x 8 x 8), ce qui n'a aucune chance de se produire, nous sommes d'accord !
C'est donc plutôt l'autre raison qui justifie ce choix : je ne sais pas ce que je ferai de ces sons après leur utilisation pour cette pièce. C'est une constante dans mon travail de réutiliser sous des formes diverses des sons ou des séquences qui ont été conçu ou même utilisés pour des pièces précédentes. Certains Préludes à l'espace sont partiellement ou même complètement basés sur cette méthode. Ceux-ci possèdent encore un bon potentiel, ils sont loin d'avoir générés tout ce qu'ils ont à dire, ils réapparaîteront peut être dans quelques années...

 

Ces lignes, résonnantes ou non, étaient depuis le début destinées à constituer les montants, la structure d'un échafaudage évidemment virtuel, mais dont la construction devait être audible, quasi visible et touchable.
La structure nodale de l'espace des Préludes, si elle ne correspond pas à un maillage régulier (qui aurait bien adapté ici) permet néanmoins de définir des lignes dont la droiture sans être parfaite est tout à fait suffisante.
Le nombre de lignes d'échaffaudage permis en reliant les points existants est de 43 ((5+5)+(5+5)+(4+4)+15), c'est à dire que mes objets-lignes de 8 points devaient être répartis selon ces lignes d'espace selon 43 configurations différentes.

J'aurais pu placer un plugin SpatMass sur autant de pistes, n'ayant ensuite qu'à placer les objets sur la piste souhaitée pour le disposer spatialement. C'est la méthode que j'utilise dans d'autres préludes, notamment le "Byobu à treize feuilles" mais qui n'est pas économique en ressources (43 x 8 x 64 canaux tout de même).
J'aurais pu aussi placer un SpatMass sur chacun des objets, mais cela devenait un peu lourd à gérer si je souhaitais apporter des modifications.
J'ai donc choisi ici une méthode intermédiaire qui permet de réduire le nombre pistes mais qui permet de garder la main au niveau de chaque objet.
10 pistes comportent un SpatMass 864 qui se charge de la répartition des huit points entrant selon des lignes de l'espace 67 points (deux configurations), et chaque objet comporte un MassControl qui envoie aux SpatMass les messages MIDI correspondant aux 43 configurations qui sont sauvegardées en tant que Presets et que je n'ai rappeler comme bon me semble. C'est souple et efficace...

 

Une première tentative d'organisation spatiale et temporelle a été effectuée en combinant les objets originaux, qui donc ne représentaient que les échelles spatiales, avec les objets issus du traitement de résonances. J'aimais bien cette idée de jouer sur la colorisation et de pouvoir distinguer ou associer les deux types d'échelles, mais cela me semblait n'apporter que de la confusion.
J'ai donc préféré abandonner complètement les objets bruts, ce qui procure une apparence de grande simplicité à la pièce, mais permet de concentrer l'écoute sur seulement deux paramètres.

  

La composition temporelle s'est organisée autour des échelles harmoniques pour former une suite de sections qui correspondent également à des regroupements d'échelle spatiale. Par exemple la première section est constitué de piliers verticaux, la seconde de barres horizontales au sol, etc., les dernières sections imbriquant un peu tout mais toujours délimités par les échelles harmoniques.
Chaque objet n'apparaît qu'une seule fois.

Un problème qui est apparu lors du montage est celui de la durée des résonances. Celle-ci, variable selon les cas, a été déterminée initialement lors du traitement avec le MiniRez, et s'il est toujours possible d'appliquer un time-stretching pour les ajuster, ce dont je ne me suis pas privé, j'ai eu quelques-fois besoin de plus, d'un gel, d'une suspension qui permette d'attendre l'étape suivante.
J'ai utilisé dans ce cas deux plugins différents, selon l'effet qui était produit et comment il se liait avec la résonance :
- l'UniFreezer 16 est en fait une réverbération de type Freeverb qui fonctionne uniquement en mode "freeze". Elle comporte évidemment un peu de flou mais possède un caractère assez "vivant" qui fait que l'on ne ressent pas trop l'effet de gel ;
- le MultiFreezer 64 est plus complexe et opère dans le domaine FFT et traite les sons possédant jusqu'à 64 canaux. Il est possible d'adapter la taille de la fenêtre temporelle à la complexité harmonique, mais si l'effet en lui même est excellent il peut sonner très artificiel si les sons comporte un degré d'inhamonicité important.
Dans les deux cas trouver le bon moment pour appliquer le gel peut être délicat, mais c'est l'avantage du temps différé : on dispose de tout le temps qui est nécessaire ;-)
L'application de l'effet est visible par la courbe bleu clair sur les objets.

La dernière étape déterminante a consisté en l'ajout des "ambiances de ville", qui n'étaient pas du tout prévues au départ.
La nécessité m'est apparue à un moment de disposer d'un cadre acoustique autour de la construction de l'échafaudage, qui permettait de lui donner une perspective et en même temps de l'ancrer dans un espace plus vaste. Ceci a également permis de placer plus de distance temporelle entre les tracés de lignes qui deviennent ainsi plus posés.
Elle permet aussi de soutenir l'attention temporelle, d'en dessiner les directions, un peu à la manière d'une musique dramatique par rapport aux dialogues dans un film.

 

Pas mal de resserrements ont été effectués dans le montage final : une première étape à la suite de la composition, une seconde quelques mois plus tard, à tête reposée dans l'atelier d'hiver, où certains moments d'attente ou de suspension, quoique plaisants en eux-mêmes, m'ont apparu être néanmoins préjudiciables à la dynamique de l'écoute, une troisième encore six mois après dans l'Acousmonef avec un resserrement plus draconien, pour aboutir à cette version durant l'été 2024.