Quelque-part près du centre de la France, dans un village auvergnat, se cache un acousmonef. Enfin, pour l'instant, l'Acousmonef...
Dès que la température atteint son point critique (autour de 15° en mai) sa porte s'ouvre pour accueillir des visiteu-rs-ses et partager avec elles-eux cet espace unique et pluriphonique.
Écoute d'œuvres composées pour les espaces haut-parlants, discussions, démonstrations, formations, ce sont souvent des rencontres étonnées mais toujours riches, où il est possible, l'espace d'un moment, de vivre les sons pleinement.

L'histoire

Pour un compositeur de musique électroacoustique/concrète/acousmatique, c'est à dire quelqu'un qui, à l'aide d'outils dédiés ou détournés, confectionne et organise dans le temps et dans l'espace des sons qui sont produits et perçus au moyen exclusif de haut-parleurs, le lieu dont il dispose peut revêtir une importance particulière.

Depuis la fin des années 80, la composition des espaces haut-parlants est pour moi indissociable du travail sur les sons, et il m'a fallu trouver des moyens pour le faire, des mots pour le penser... et des lieux pour le vivre.
Si les premiers ont été bien-sûr dépendants de la technologie, si les seconds ont constitué une recherche continue et ininterrompue, les troisièmes ont été responsables de beaucoup de mes déménagements, où l'établissement de mon "atelier-acousmonium" a pu s'avérer quelques-fois heureux, d'autres fois beaucoup moins...

Depuis les années 2000 j'avais aussi pris l'habitude d'utiliser le terme de voyage en acousmonef pour évoquer ce que représentait pour moi une diffusion publique haut-parlante : un voyage dans l'espace des sons, avec le dispositif d'enceintes comme vaisseau. Mais ce n'était alors qu'une métaphore, une manière de souligner combien ce principe était différent de celui d'un concert de musique dite "vivante", où les auditeurs étaient plongés directement dans les œuvres plutôt que spectateurs de leur exécution.
Et puis en 2018 il y a eu la rencontre avec la salle de La Lyre Amicale à La Monnerie-le-Montel, qui avait accueilli pendant près d'un siècle concerts, cinéma, dancing, banquets, j'en passe et sûrement des meilleures ;-)
Avec ses 130 m² (plus 40 pour la scène) sur près de 6 m de hauteur elle m'a fait immédiatement penser à une nef, et lorsque j'ai commencé à investir le lieu, le terme d'acousmonef s'est tout naturellement imposé : le vaisseau a pris consistance pour que j'y poursuive mon travail, mais aussi pour qu'il puisse abriter de temps en temps des activités tournées vers le public. 

Le lieu et la technique >>

L'orchestre, la bulle et la forêt...

Bien que modeste par ses moyens et par la nature de son équipement matériel, l'Acousmonef est l'un des rares lieux (au monde...) qui puisse produire un espace sonore réellement tri-dimensionnel avec une résolution spatiale élevée.
Alors que la plupart sont basés sur la diffusion périphérique d'une image d'espace, son dispositif haut-parlant volumétrique sur 84 points indépendants (98 enceintes) permet la production des sons partout dans le lieu, pas seulement autour. Ceci leur confère une épaisseur, un volume, une tangibilité que l'on pourrait qualifier de comparable à celle du monde "réel", si ce n'était qu'ils disposent en plus de toute la gamme d'artifices électroacoustiques que nous avons accumulée depuis les débuts de la musique concrète, et qui se trouvent ici déployés d'une manière nouvelle, notamment grâce aux outils logiciels acousmodules.

L'Acousmonef peut être considéré comme un prototype de "salle d'acousma", un genre de lieu hybride dédié à la création et à la diffusion d'œuvres originellement conçues pour les espaces publiques. À la différence de l'Acousmonium qui, au début des années 70, était basé sur le modèle de l'orchestre instrumental afin de permettre la diffusion en public de compositions stéréophoniques s'inscrivant dans le champ de la vision, ou des salles de cinéma et des dômes d'images dont le format est conçu pour le spectacle audio-visuel, la conception de l'Acousmonef est le résultat d'une quarantaine d'années de pratique concrète de la création acousmatique, pensée et réalisée directement pour l'audition pleine dans les trois dimensions de l'espace.

Principalement dédiée à la composition de pièces destinées aux séances de diffusion selon le principe d'un cinéma pour les oreilles, elle peut également abriter plus ou moins temporairement les dispositifs de certaines installations, comme en ce moment ceux de l'Acousma-Parc. Pour plus d'information à ce sujet vous pourrez lire le texte Un acousmonef nommé désir que j'ai consacré il y a quelques années à son histoire et à sa technique.

En ce qui concerne sa situation géographique, La Monnerie-Le-Montel est un village du Puy-de-dôme, proche de Thiers, et pas si éloigné de Lyon, de St-Étienne et surtout de Clermont-Ferrand. Avec une sortie d'autoroute à 5 minutes (A89 n°30) et un arrêt d'autocar à 50 mètres (pour Clermont-Ferrand uniquement) il n'est pas si difficile de s'y rendre, non ?

Les activités

L'Acousmonef est à la fois un lieu privé et associatif.
Quand il n'est pas utilisé pour mon travail de compositeur-acousmate, et lorsqu'il n'y fait pas trop froid, il peut accueillir des rencontres, des auditions, des formations, et contribuer à sa manière à faire connaître un art des sons dans l'air, une pratique de la création et de l'écoute qui ouvre des espaces sensitifs et imaginaires originaux.

> L'acousmathèque des sons dans l'air
L'avantage qu'il y a de disposer d'un lieu qui soit équipé en permanence d'un large dispositif haut-parlant, est qu'il peut convenir aussi bien pour la création que pour la diffusion. Il constitue alors de facto une salle d'acousma, quelque-chose dont certaines personnes rêvent depuis longtemps, mais qui pour des raisons assez évidentes de rentabilité et de fréquentation, et d'autres relatives à la reproductibilité des œuvres, n'a jamais vraiment vu le jour.
Entre ma production personnelle, les œuvres qui m'ont été généreusement confiées depuis des années par des compositrices et compositeurs du monde entier et le réseau inDream, c'est actuellement une centaine de pièces, allant de la monophonie jusqu'à l'espace 80.4 complet de l'Acousmonef (en évitant tout de même soigneusement la stéréophonie, qui est parfaitement servie partout ailleurs !), qu'il est possible d'écouter dans leur format d'origine et dans des conditions pas si éloignées de l'idéal ;-)
L'acousmathèque constitue également toute l'année un centre de ressources dédié à la création acousmatique multiphonique et les techniques sono-spatiales.

> L'espace du faire
Partager mon expérience et mes bouts de savoir constitue une activité que je pratique, j'ai l'impression, depuis toujours, en tout cas qui me préoccupe et qui accompagne très logiquement mon travail de création et de recherche.
L'Acousmonef représente un outil de production qui se démarque de ce qui est généralement proposé par l'ouverture de sa conception spatiale et la diversité de son équipement, sur lesquels peuvent s'appuyer des activités de formation et d'assistance à destination d'artistes et de professionnels du son. Le domaine peut sembler pointu, et il l'est par certains aspects, mais il est également aujourd'hui tout à fait abordable, il suffit parfois juste de savoir comment le faire.

> Des sons délyrants
Un rendez-vous pour l'instant irrégulier...

Mais en dehors de cela, si vous passez dans le coin, j'aurai toujours plaisir à vous ouvrir ma porte pour discuter et partager avec vous une expérience d'un type qui, même si l'audio spatial se développe aujourd'hui tous azimuts, est encore trop rare sur la planète... (d'autant qu'il y fait frais l'été !).
N'hésitez pas à m'envoyer un petit email avant : sonsdanslair@free.fr

Cet année :

avril : sortie progressive d'hibernation
4 et 5 mai : Délyre de printemps et ouverture "officielle" de l'acousmathèque
fin août : mini résidence de Jasmine Scheurmann (prix du Mixage Fou 2023)
septembre : stages
12 et 26 octobre : Des sons délyrants à l'Acousmonef + concert du Prix Russolo ; fermeture de l'Acousmathèque des sons dans l'air

À part les formations, les activités sont basées sur un accès libre ainsi que sur le principe de l'échange et de la collaboration.

 question : quel est le point commun depuis 1990 ?
 réponse : il y a des enceintes au plafond, mais aussi au sol et au milieu...