|
|
|
||||
|
|
|
|
|
|
|
Voir ce qu'on ne peut entendre (et réciproquement) Lorsque j'ai commencé à composer des œuvres acousmatiques, la longueur du ruban magnétique et les quelques traductions de l'amplitude du signal sur des vu-mètres constituaient les seuls indices visuels des sons, bien pauvres et bien limités, mais tout à fait suffisants. D'une certaine manière, c'était même merveilleux car l'ensemble de la conscience de leur matière, de leur forme et de leur image d'espace passait exclusivement par leur audition. La scène sonore (c'était en stéréophonie) se construisait par la vue de l'imaginaire qui n'était masquée par aucun artifice de représentation, il n'y avait pas d'écran entre les sons et moi. Lorsque je suis passé à la bande 8 pistes
et à l'espace octophonique, cette représentation visuelle intérieure
a pris encore plus de place et d'importance, mais aussi de fragilité
et de difficulté,
car il ne s'agissait
alors plus seulement d'imaginer un espace mais de le construire, et
la qualité de cette construction était directement dépendante
de la manière dont les sons étaient physiquement répartis sur ces 8 pistes
et enceintes... et qui était totalement invisible. Depuis, que ce soit avec les outils MIDI des années 90 ou avec les multipistes numériques qui ont suivi, les rapports entre l'écoute et la pensée, entre les gestes techniques et le support (les données plus les haut-parleurs) sont plus simples : il suffit de faire et d'écouter. Les représentations visuelles de type temps+amplitude qui sont fournies sont pour moi suffisantes pour guider ou confirmer mes actions, et en ce qui concerne l'espace du son, de toute façon il se situe ailleurs... Donc pour moi, en dehors de certaines opérations techniques particulières, moins je visualise et mieux j'entend. Reste le troisième rôle de la représentation
graphique du sonore : l'aide à l'écoute et à l'analyse. |
Préludes à l'espace (sélection) : format spatial volumétrique sur 80 pointsLes captures d'écran que j'ai rassemblé
sur cette page illustrent bien les difficultés, voir l'impossibilité
qu'il y a de vouloir représenter visuellement à la fois des
indices de la matière du
son, de son espace et de son temps. Ces représentations permettent donc de suivre l'écriture
des masses spatiales et comment elles sont réparties sur un système haut-parlant
à travers le format de l'œuvre.
Ce qui apparait généralement assez bien, ce sont les différences
d'écriture sono-spatiale entre les pièces, visibles dans la
manière dont les spectres sonores sont articulés entre les différents
canaux haut-parlants. 1.
Au delà de l'analyse partielle qu'elle
permet, la représentation sonographique multicanale montre combien la
spatialité (créer et composer l'espace des sons) est une chose différente
de la spatialisation (spatialiser des sons, ou encore plus des compositions). |
L'affichage vertical des acousmogrammes représente la liste des canaux du support 80 canaux, c'est à dire les signaux indépendants qui correspondent à chacun des points de l'espace nodal de la composition, chacun d'eux étant normalement relié à un point haut-parlant selon le format spatial qui a été définit 2. Cette représentation directe décrit bien ce qui est produit, mais évidemment, en dehors de quelques cas extrêmes, pas ce qui est entendu : comme avec les timbres d'une partition d'orchestre, c'est au lecteur d'imaginer les effets combinés des informations partielles qui lui sont fournies. Les points sont regroupés par
couleur en fonction de leur élévation et de leur situation par rapport
au centre de l'espace. Je rappelle que les
réductions binaurales
et transaurales
qui sont disponibles NE SONT PAS les œuvres et NE PEUVENT PAS en
représenter la spatialité, tout au plus dans le cas des mixages binauraux
en donner une image possible. En un certain sens, elles sont
comme les acousmogrammes eux-mêmes : des indices plus ou moins pertinents
d'une réalité sonore, qui combinés entre eux nous permettent de
nous figurer certaines de ses qualités. 2. Si j'avais réalisé mes pièces en utilisant un codage spatial comme par exemple l'ambisonique, la représentation des canaux du support n'aurait en rien représenté l'espace des sons, mais le codage lui-même. Il aurait fallu d'abord effectuer le décodage pour pouvoir retrouver un type de représentation qui rende compte de ce qui est réellement produit et dont la visualisation ppourrait être intelligible, même si le passage par cet encodage tend à faire se fondre tous les canaux dans un brouillard plus ou moins épais ;-) |
(cliquez sur la vue pour afficher l'image en grand format)
Abyssa |
Compte tenu de la linéarité spatiale des sons et le remplissage spatial, on peut déduire le caractère vraissemblablement "immersif" de cette pièce même sans connaître son titre... On peut appercevoir néanmoins une petite particularité, particulièrement visible entre 2'30 et 6'30 : la masse spatiale d'un grand nombre de sons semble non contigue par rapport au positionnement indiqué des enceintes, ils semblent "sauter" un canal sur deux. C'est en effet une méthode que j'applique assez souvent pour "aérer" la spatialité, surtout lorsqu'il y a des éléments qui sont continus dans le temps. |
Akous-Batik |
Un acousmagramme aussi chargé visuellement que la pièce l'est auditivement, sur lequel on peut imaginer des motifs qui à la fois se répètent et changent sans arrêt. |
Auscultation d'un rire |
Cette pièce a été composée selon un yhu n n n n n nbprincipe un peu analogue à celui de la mélodie divisée : les différentes "notes" (ici composantes) ne sont pas produites par le même instrument (ici point haut-parlant) mais sont au contraire associées à un point de production fixe. Elles forment ainsi une sorte de double mélodie à la fois de hauteur et d'espace. |
Aux cratères de Lune |
Un
acousmogramme lisible mais assez peu parlant si l'on n'écoute pas
la pièce en même temps. |
Byobu à treize feuilles |
Je n'irais pas
jusqu'à dire que les 13 "surfaces" sont identifiables sur cette image
(pas plus d'ailleurs qu'à l'audition in situ), mais, au moins dans
la première moitié de la pièce, on a tout de suite une idée de la
composition en aplats rigoureusement délimités. |
Cantilène en gelée |
Je trouve que le côté flottant de la pièce est assez bien rendu... mais sa visualisation n'apporte tout de même pas grand chose. (même remarque que pour Abyssa concernant les masses spatiales aérées distribuées un canal sur deux) |
Cet ancien présent que le passé fut |
Les bandes représentant le placement spatial fixe des éléments principaux, voix et séquences itératives de boîte à musique, constitue l'ossature très visible de cette pièce, par dessus laquelle les ornements mobiles du milieu se détachent nettement. Également bien visible, le petit groupe quadriphonique, entre 4'40 et 5'30, sur les quatre petits points intérieurs du niveau intermédaire entre L1 et L2 (en mauve) qui sont généralement utilisés en transitions ou en renforts et qui là sont en solistes pour la séquence de l'harmonium électrique en proximité.. |
Comptine |
Une
écriture pointilliste où les deux types de sons, les voix et les
instruments, sont assez clairement identifiables, avec une répartition
spatiale majoritairement divisée en deux : les instruments sur la
périphérie (grands anneaux vert + beu + rouge) et les voix principalement
dans l'espace intérieur. |
Derniers épisodes avant le naufrage |
Si le contenu sono-spatial est à peu près illisible, la structure en "épisodes" temporels est naturellement visible. Le seul élément spatial significatif que l'on peut en tirer est la part importante donnée à la sphère périphérique (y compris le sol à l'intérieur), augmentée par moments de petits évènements dans "l'espace du milieu". Ceci est dû en partie à l'histoire de la pièce qui a commencé dans un format cirque beaucoup plus réduit que l'actuel (44 canaux) et pour lequel la plupart des sons ont été initialement façonnés. |
Des chiffres et des gestes |
Un
visuel très stylisé pour une composition spatiale très formelle...
ce qui ne s'entend pas forcément au premier abord car les sons et
leurs mouvements sont très riches, et si la vue présente de nombreuses
zones noires, c'est à dire non porteuses de son, l'imbrication des
zones actives fait que l'espace auditif est néanmoins très dense. |
Douze échelles pour un échafaudage |
Un "fond sonore" ambiant sur une partie de la périphérie (les grandes lignes horizontales qui s'étalent du début jusqu'à la fin) et des empilements de blocs suivis de résonances : la conception, l'écriture, l'espace et même un peu la matière des sons sont tout à fait lisibles sur cet acousmogramme. Une tâche plus difficile, mais pas impossible, consisterait à reconstituer les lignes verticales ou horizontales qui forment les barres de l'échafaudage. Par exemple pour la première on peut facilement repérer qu'elle se situe sur l'anneau intérieur et que les quatre points qui la constituent sont répartis sur les quatre niveaux d'élévation (un vert, un bleu, un rouge et un jaune). |
Emboîtement |
C'est un des acousmogrammes qui reflète le mieux l'organisation de l'espace des sons, d'une part parce que la pièce est plutôt économe (il y a beaucoup de "vides"), et surtout parce les sons-images (chose qui ne peut se voir) sont organisés sous la forme de blocs nettement découpés, permanents dans le temps, dont les différences d'ampleur spatiale permet de les identifier assez nettement, par exemple la goutte d'eau (à partir de 1', grand anneau L2) ou le ronronnement (1'35, pilier central au sol) posés sur un seul point, et les pas dans le grenier (anneaux L3/L4 rouge et jaune) qui s'affichent en "millefeuilles". |
Entre les cordes |
Je renvoie à la description de la pièce sur la page De l'autre côté de la membrane pour les explications concernant le tournage microphonique et le positionnement spatial sur trois couches d'élévation. La structure en bandes parallèles est parfaitement identifiable, de même que l'absence remarquable (et expliquée) de son sur un nombre important de canaux. Les différences de vitesse des sons sur les trois couches est également assez visible, surtout la lenteur sur L1 (vert), le resserrement sut L3/4 (rouge/jaune) étant peu lisible à ce niveau de zoom. |
Immersion dans une géante gazeuse |
À part les
quatre points intermédiaires du centre (71 à 74 violet) et les deux
externes (79-80 gris) l'espace est rempli en permanence par ce
qui semble être des sons de nature assez proche, continue-évolutive. |
L'énigme des objets (Nature morte vivante) |
Le niveau de zoom horizontal et vertical ne permet pas bien de se rendre compte de l'écriture sonospatiale, qui procède par imbrication d'objets multiphoniques de tailles, de matières et de formes très variables. On ne peut repérer que les objets les plus gros, ceux qui se détachent le plus de la polyphonie. Mais c'est aussi ce qui fait l'intérêt de cet acousmogramme : permettre d'entrevoir la complexité d'une écriture qui, à l'audition, se traduit par une composition extrêmement claire et contrastée. |
L'envol de l'arbre |
Un acousmogramme où prévaut la diffusion dûe à la traîne de réverbération qui prolonge chacune des "éclosions" de la première minute, à l'audition discrètes mais visuellement envahissantes. C'est dommage car la nature arborescente des profil qui transparaissent constitue évidemment le propos principal de la pièce. |
L'horloge des anges ici-bas |
Comme à chaque fois qu'une réverbération multiphonique est utilisée, c'est à dire qu'elle diffuse son énergie sur l'ensemble des canaux indépendamment de la position initiale du son traité, il est très difficile de suivre le détail des masses spatiales et des profils cinétiques. Néanmoins, les mouvements en spirale sur les deux premières minutes et entre 3' et 3'20, comme la battement grave sur le grand anneau au sol entre 2'20 et 4', sont parfaitement visibles. |
Magnétosphère |
C'est le contraire des espaces sphériques habituels : une "sphère" centrifuge, un noyau dense qui rayonne. L'acousmogramme montre bien la concentration d'énergie dans la partie intérieure, et la faiblaesse ou même l'absence sur la périphérie la plus éloignée, aux niveaux 1 et 3. |
Miroirs |
Qu'ils soient spatiaux, mélodiques ou temporels, les multiples miroirs sur lesquels est basée cette pièce sont invisibles, comme enkystés à l'intérieur des masses sonores, souvent délicates, dont on peut par moments (1'30, 7') supposer le caractère fragile. |
et aussi (visuellement moins intéressants)
Dominos |
Visuellement un peu trop noyées dans la réverbération, les lignes de cascades d'objets se devinent seulement, et l'acousmogramme dans sa globalité ne reflète pas du tout l'énergie et la rapidité de l'écriture sono-spatiale. |
L'étoile-papillon |
La pièce est constituée de seulement deux composantes sonores et spatiales : une trame synthétique sur 64 canaux (jusqu'à 4'10), et un babil ambisonique de clarinette décodé sur trois dômes concentriques. Alors que les deux se détachent parfaitement à l'audition en raison de leur grande différence de matière et d'animation, ils se confondent beaucoup sur l'acousmogramme car ils partagent en quasi continuité les mêmes canaux (sauf pour la zone intérieure -65 à 78- où l'on trouve seulement les sons du "mini dôme"). |
Omni soient-ils |
Un acousmogramme qui ne montre pas grand chose de l'espace, à part que celui-ci semble à la fois indifférencié (tous les canaux actifs comportentent à peu près le même son) et défectif (tous les points centraux manquent). On ne peut pas dire que l'acousmogramme soit en lui même intéressant ! mais il révèle néanmoins avec évidence le parti pris sonore et compositionnel... (lire la page De l'autre côté de la membrane) |